Blog Illustration de Patrimoine églises à l'abandon

Les églises à l’abandon : problématique ou potentiel ?

« J’ai encore une fois été vraiment choqué par le nombre de petites églises de nos campagnes qui sont dans un état de déréliction extrêmement avancé. »

Le 29 juin 2022, Stéphane Bern lançait un cri d’alarme devant les sénateurs de la Commission de la culture. Les églises rurales sont en grand péril, plus que jamais. Et cette question semble être la grande oubliée du débat public… Généralement, seule une poignée d’habitants, ou des associations spécialisées comme Urgences Patrimoine, se mobilisent. Cette épineuse question ne concernerait-elle qu’une part de la population ? Les églises à l’abandon sont-elles un boulet problématique, ou un formidable potentiel ?

Le constat dramatique des églises à l’abandon…

L’incendie de Notre-Dame a pu faire office d’électrochoc auprès de l’opinion publique. Ce drame a fait prendre conscience à chaque Français, voire au monde entier, que le patrimoine n’est pas éternel, qu’il est fragile comme toute chose matérielle. Mais également, qu’une nation s’attache viscéralement à ses grands monuments, et que leur destruction cause un émoi d’une ampleur insoupçonnée. La somme énorme des dons qui a afflué pour la cathédrale de Paris en est la preuve…

Cependant qu’en est-il pour les petites églises, parisiennes, mais aussi locales, et surtout rurales, qui dans le même temps tombent en ruine ? Loin des coups de projecteurs et des millions de visiteurs, ce patrimoine-là a bien du mal à survivre, faute d’intérêt. Le constat mené par Stéphane Bern est alarmant. Sur les dossiers qui lui parviennent pour candidater au Loto du Patrimoine, beaucoup concernent des édifices religieux. « Les clochers sont effondrés, des pans entiers de murs sont tombés, on a tellement attendu que ces églises sont dans un état catastrophique, faute d’entretien régulier ».

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Le sénateur communiste Pierre Ouzoulias et la sénatrice LR Anne Ventalon ont rendu le 6 juillet 2022 un rapport sur le patrimoine religieux en péril, qui va dans le même sens. Les 100 000 lieux de culte français représentent le patrimoine religieux le plus important d’Europe après l’Italie… Mais seulement 15 000 seraient protégés et 2 000 à 3 000 édifices seraient en état d’abandon. L’Observatoire du patrimoine religieux estime que 2 500 à 5 000 édifices religieux menacent d’être abandonnés, vendus ou détruits d’ici 2030…

… faute de fidèles, …

« Parler du patrimoine religieux est important car c’est là où le bât blesse. Le patrimoine castral se porte relativement bien car on fait en sorte de le restaurer puisqu’il y a beaucoup de visiteurs. », note Stéphane Bern. La première cause évidente de la dégradation du patrimoine religieux est la déchristianisation du pays. En conséquence, les églises ne sont plus fréquentées régulièrement. « Et quand elles ne sont plus fréquentées, elles ne sont plus entretenues. », appuie encore Monsieur Patrimoine.

Une église fermée, c’est une église qui a perdu son sens. Mais c’est aussi, de façon très concrète, une église sans chauffage en hiver, sans ventilation salutaire, sans possibilité de contrôles réguliers de son état. Bref, dans ce cas, toutes les conditions sont réunies pour qu’apparaissent infiltrations d’eau, moisissures… D’une simple fermeture par manque d’usage et d’intérêt, on glisse donc vite vers une fermeture pour raisons de sécurité et de salubrité. Le monument, comme d’autres églises, tombe à l’abandon. Et lorsque la municipalité n’a pas les moyens pour la réparer ou restaurer, la situation s’enlise, et devient pire encore avec le temps.

… de moyens, et de volonté politique

Si bien que beaucoup de maires actuels ont hérité de leurs prédécesseurs une situation budgétaire impossible. Aujourd’hui, on estime le coût moyen d’une restauration d’église à 1,5 millions d’euros. Une somme impossible à réunir pour une petite commune. « Dans les conseils municipaux, la restauration de l’église est rarement un sujet prioritaire car elle ne va pas jouer en faveur des futures élections. Il est dommage que les communes se réveillent au moment où leur patrimoine est en train de s’écrouler. », déplore Stéphane Bern. « Il faut se mobiliser d’urgence », poursuit-il. Ce cri d’alarme résonne à l’heure où, sous prétexte de laïcité, la volonté politique manque pour ces restaurations d’édifices religieux.

Et pourtant, la question est avant tout culturelle !

« Je me bats contre ceux qui ne veulent plus les entretenir, continue-t-il, car ce n’est pas une question de culte, mais de culture et de respect de notre histoire (…) Qu’on soit religieux ou qu’on ne le soit pas, ce patrimoine c’est notre histoire et on n’a pas le droit de l’abandonner. » Pour lui, impossible, donc, de renier nos églises, puisqu’elles sont les témoins de notre histoire commune, et ont été des points de repère dans les paysages ruraux pendant des siècles.

Il rappelle aussi combien, même d’un point de vue purement contemporain, les églises ont un rôle irremplaçable quant à l’histoire de l’art et à l’esthétique. « L’église de campagne, c’est peut-être la seule chose qui reste de culture dans un village. Elle peut abriter un tableau, une sculpture, une architecture romane ou gothique. C’est le seul endroit où la culture et l’art sont encore disponibles et accessibles à tous, à proximité ».

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Un énorme potentiel : comment ressusciter les églises à l’abandon ?

Ainsi, quand on y réfléchit, les églises même à l’abandon sont un formidable potentiel touristique et culturel. En particulier dans les zones rurales. « La première chose que les gens vont voir quand ils visitent un village, c’est l’église ! Qui est bel et bien au centre du village comme on disait autrefois ». Pour les sauver, rouvrir les églises semble une nécessité, quitte à ce que cela se fasse en recourant au gardiennage ou à des bénévoles, notamment parmi les jeunes.

Dans certains cas, quand l’usage religieux n’est pas possible, la résurrection de l’édifice peut passer par sa reconversion. Pourquoi pas, tant que ce nouvel usage non-cultuel reste « compatible avec l’affectation cultuelle » selon la législation de 2006. Cette politique du « moindre mal » fait débat. Mais les défenseurs du patrimoine religieux la saluent généralement, si elle permet de sauver l’édifice. Par exemple, le Loto du Patrimoine a permis de sauver l’ancien couvent des soeurs du Christ de Tréguier. Celui-ci accueille désormais des activités culturelles et musicales. « Ce n’est qu’en permettant à ces édifices de redevenir signifiants et utiles pour une part importante de la population que la sauvegarde du patrimoine religieux pourra être garantie. », souligne le rapport Ouzoulias.

Pour Stéphane Bern, l’essentiel reste la préservation du patrimoine religieux pour l’avenir, car, affirme-t-il, « la spiritualité reviendra. Ces édifices sacrés sont indispensables. Je pense à l’abbaye de Senanque ou de Lagrasse que j’ai visitées… Personnellement, je suis très attaché à l’église abbatiale de Thiron-Gardais qui se trouve sur les chemins du Mont Saint-Michel, car elle se situe à proximité du collège royal et militaire dont je suis propriétaire. Les églises sont des lieux de recueillement, de transmission, d’héritage. On a besoin de ces lieux de ressourcement qui permettent de se déconnecter de nos grandes villes qui manquent parfois de beauté. »

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