Le patrimoine, coût ou investissement ?

Depuis quelques années, acheter un château est un rêve quasiment à portée de main. Quand on y pense, le prix au mètre carré d’un château dans l’Allier, le Puy-de-Dôme ou la Corrèze est bien inférieur à celui d’un appartement dans le centre de Paris ! Acheter un monument historique devient bien tentant. Oui, mais à la longue, est-ce un coût ou un investissement ?

Le patrimoine est en effet un domaine où les posts de dépense ne manquent pas. On estime à 50 000 € le budget de dépenses annuelles pour un château de taille moyenne. Si les propriétaires ne l’ont pas réalisé à l’achat, le retour à la réalité est rude. Même s’il est aujourd’hui possible d’acheter un château à petit prix, les acquéreurs ont souvent tendance à minimiser les frais à engager pour les travaux de rénovation et l’entretien. Si bien qu’en pratique le renouvellement des propriétaires de châteaux est bien plus important que celui des acquéreurs de maison secondaire… Il y a, régulièrement, de mauvaises surprises concernant les dépenses et la gestion du budget. Alors oui, le patrimoine a un coût, est un coût.

Si vous cherchez à acheter un château, pensez bien à faire une simulation de la dépense que demandent les travaux, ainsi que des revenus potentiels ou déjà générés. L’essentiel est de trouver un équilibre entre les deux… une balance qui soit positive autant que possible, bien sûr. Chaque château est unique, d’où l’importance de l’étudier attentivement au cas par cas ! Cependant quelques coûts reviennent régulièrement, c’est vrai. Je vous en ai donc préparé une liste indicative, avec, lorsque c’est possible, des solutions pour les éviter ou les réduire.

Le coût d’une restauration complète

Si vous vous sentez la vocation — et il en faut !— d’acheter un château à l’état de ruines pour le restaurer entièrement, comme la célèbre famille Guyot, les dépenses vont aller bon train jusqu’à l’achèvement des travaux. A commencer par le choix de l’architecte, qui, s’il s’agit d’un château classé, doit être un architecte spécialiste du patrimoine. Sans compter les mauvaises surprises budgétaires qui peuvent survenir au fur et à mesure du chantier, quand on découvre une faille dans le bâti, le mauvais état d’une terrasse ou d’une fondation…

Pourtant, il existe des solutions pour faire face à ces coûts et les réduire. Le mécénat joue un rôle clé pour aider les propriétaires à faire face à ces dépenses, pour lesquelles les subventions de l’Etat ne suffisent pas. Et les chantiers participatifs bénévoles sont un formidable coup de pouce pour aider à avancer les travaux, qui plus est, dans la joie et la bonne humeur ! Pourquoi, une fois le chantier achevé, ne pas participer à des prix récompensant les restaurations de monuments historiques, comme celui des VMF par exemple ?

Le budget de l’entretien de la toiture

La toiture est une énorme part du budget, surtout quand elle est encore traditionnelle, en lauzes ou en chaume par exemple. Et pourtant, mieux vaut l’inspecter régulièrement et la refaire quand nécessaire, avant quelles infiltrations d’eau n’arrivent et que tout ne s’effondre. Mais pour les deux types de toiture traditionnelle que je viens de citer, il est impératif de s’adresser à un artisan spécialisé. Or ceux-ci se comptent sur le doigt de la main, ce qui entraîne un temps d’attente et un coût élevés.

Mais là encore, il existe des solutions pour y parer. Si vous faites visiter votre château et que les combles sont accessibles, dédiez une part importante de la visite guidée à la mise en valeur de cette toiture traditionnelle. Quel est le savoir-faire, comment travaille l’artisan spécialisé ? Si vous accueillez des mariages, une belle charpente supportant une telle toiture sera une plus-value non négligeable, et constituera un cadre unique pour la salle de réception.

Et si vous devez de toute façon tout refaire de cette fameuse toiture, et que le cadre s’y prête, pourquoi ne pas opter pour une toiture végétalisée comme au château de Beaufort ?

La routine budgétaire au quotidien : savoir investir

L’autre gros poste de dépense, c’est celui de tout l’entretien au quotidien. Le plombier, le chauffagiste, la femme de ménage, le jardinier et son équipe… autant de professions qui peuvent vivre grâce à vous, mais encore faut-il en avoir les moyens. Et ce budget, on le puise dans le chiffre d’affaire annuel du château.

La question est donc : comment générer du chiffre d’affaire ? L’ouverture aux publics est la solution par excellence, celle à laquelle on pense immédiatement. Mais n’oubliez pas qu’il y en a bien d’autres ! Je vous renvoie pour cela à mon article « Business model & patrimoine : 50 idées pour générer + de chiffre d’affaires », je suis sûre qu’il vous donnera des idées. Parce qu’un bon business model est plus qu’essentiel pour faire vivre son domaine. Bien investi, l’argent que vous versez dans le patrimoine est ainsi rentabilisé et multiplié !

L’agence régionale du patrimoine de la région PACA, dans un rapport rendu au ministère de la Culture, estime qu’investir dans le patrimoine rapporte 20 fois l’investissement en question. Un constat de plus qui prouve que, je cite les auteurs, « loin d’être une charge, le patrimoine est un moteur économique important et dynamique ». Depuis le temps que je vous le dis ! Alors, chers châtelains, n’ayez pas peur ! Bien géré, votre propriété peut être une extraordinaire source de revenus.

Investir pour l’avenir

Cependant, l’essentiel n’est pas là. Devenir ou être propriétaire d’un château, c’est un investissement gagnant sur le long terme. C’est l’assurance d’investir dans la pierre, cette valeur stable qu’aucune crise économique ne pourra remettre en cause. Les liquidités peuvent perdre de leur valeur, la bourse peut s’effondrer, votre château, lui, tiendra, de même qu’il affronte vents et tempêtes depuis des siècles. Allons plus loin : être propriétaire de monument historique, c’est participer, à son échelle, à l’Histoire de France avec un grand H. Posséder un château, nous l’avons dit, est la vocation de toute une vie. Mais c’est aussi et surtout un cadeau pour les générations à venir. C’est intervenir très concrètement pour la préservation du patrimoine à long terme, pour permettre à nos enfants, à nos petits-enfants, à nos arrière-petits-enfants, de contempler ce même patrimoine. Chers châtelains, vous êtes des passeurs de mémoire.